Quoi !? Les fichiers sources ne sont pas inclus ?

Publié : 16 mai 20 — Actualisé : 11 novembre 24
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Source : Jiawei Zhao (unsplash)

Dernièrement, j’ai vécu une situation à laquelle je n’avais jamais été confronté auparavant. J’avais pourtant lu des témoignages sur les réseaux sociaux au sujet des fichiers sources. En effet, certains clients mal informés pensent être dans leurs bons droits en demandant ces fichiers de travail au designer graphique chargé de leur projet.

Cela vous est peut-être déjà arrivé ou peut-être le découvrez-vous grâce à cet article. Laissez-moi éclaircir le sujet et vous expliquer pourquoi les fichiers sources ne font pas partis des livrables.

Mise au point sur les livrables

Un livrable, c’est quoi ?

On appelle livrable, les fichiers remis au client une fois la prestation finalisée et soldée. Les caractéristiques techniques des fichiers d’exploitations ou livrables sont définies lors de la rédaction du cahier des charges en fonction de l’utilisation qui en sera faite. Tu peux également trouver la liste des livrables sur le devis et sur la facture.

Quelles formes peuvent prendre les livrables ?

Pour une création graphique, les livrables peuvent prendre différentes formes selon la nature de la prestation réalisée : des fichiers images (.jpg, .png, .eps, .tiff…), des fichiers pour l’impression en .pdf , des vidéos (.mp4, .flv, .mov…) , des sons (.wav, .mp3, .flac…). Les livrables sont généralement répartis en deux catégories : les livrables pour le web et les livrables pour l’impression. Pour une même prestation, vous pourrez soit avoir des livrables pour le web ou pour l’impression, soit les deux.

Quels sont les avantages des livrables ?

Les livrables nécessitent aucun logiciel particulier pour être lu, ce qui les rend faciles à utiliser et à partager. Cependant, bien que facile à diffuser, assurez-vous d’être en droit de faire. Leurs utilisations doivent respecter le cadre légal défini par le contrat de cession de droits d’auteur.

Les fichiers livrables peuvent être

  • Intégrés à votre site vitrine,
  • Intégrés à vos supports de communication imprimée,
  • Intégrés à vos documents administratifs et de relation client,
  • Intégrés à votre signature e-mail,
  • Diffusés sur vos réseaux sociaux,
  • Envoyés à votre prestataire préféré pour être imprimés…

Les livrables ont un point commun, ils sont prêts à l’emploi.

Qu’est-ce qu’un fichier source ?

Contrairement aux livrables qui sont prêts à être imprimé ou diffusé sur le web, les fichiers sources sont des fichiers de travail, Ils sont éditables. En bureautique, ce sera des fichiers Excel (.xls), Word (.docx), Powerpoint (pptx)… En graphisme, des fichiers .psd, .indd, .ai, .ae… C’est grâce aux fichiers sources que votre projet graphique est réalisé et vos livrables créés.

Au-delà des compétences techniques et théoriques requises pour mener à bien votre projet, les fichiers sources nécessitent des logiciels de créations graphiques professionnels pour être édités.

Pourquoi les clients peuvent-ils bien demander le fichier source ?

Par principe / au cas où

Le client pense cela fait partie de la prestation. En tout cas c’est ce qu’il a entendu dire. Pourtant, il n’en a ni besoin, ni les compétences, ni l’intention de faire appel à un autre prestataire. Mais, sait-on jamais…

Par problème de vocabulaire

Parfois il y a confusion entre fichier vectoriel et fichier source. Rappelez-vous que le client n’est pas du métier et qu’il ne maîtrise pas forcément très bien le vocabulaire. Par exemple, il est tout à fait légitime de demander le logo au format vectoriel. Ce format facilite l’utilisation du logotype à n’importe quelle taille avec une qualité irréprochable.

Pour poursuivre le projet sans toi

Le designer graphique est libre d’accepter ou non de fournir le fichier source, même contre rémunération. C’est son droit, il en est l’auteur. J’en reparle plus loin dans l’article

Allez, je vous raconte une histoire alléchante

Imaginez : Vous êtes en ville, vous avez soudain une fringale. Vous passez justement devant cette pâtisserie qui fait de délicieux cookies. Vous jetez un œil à la vitrine, qu’ils sont appétissants, c’est l’occasion ou jamais.

Ni une, ni deux, vous franchissez le pas de la porte pour commander un cookie et un chaï latte. Vous demandez à remplacer le lait de vache par du lait d’amande. La serveuse, vous précise qu’il y aura un supplément, vous acceptez. Vous payez et allez vous installer en terrasse pour profiter de votre pause gourmande au soleil. Une fois rassasié, vous décidez de rentrer chez vous.

Vous vous demandez sans doute où je veux en venir avec mon histoire de cookie…

J’y viens…

Analysons cette histoire !

En entrant dans la pâtisserie, vous prenez contact avec un prestataire pour un service donné. Au comptoir, des pâtisseries (produits) vous sont proposées. Leurs prix sont indiqués (offre ou devis). La serveuse prend votre commande, vous demandez s’il est possible de remplacer le lait animal par du “lait” végétal dans votre chai latte (brief + cahier des charges). La serveuse vous prévient qu’il y aura un surplus de 2€ par rapport au prix indiqué (devis). Vous acceptez, fait l’encaissement et vous tend le ticket de caisse (facture). Ensuite, la serveuse vous remet votre cookie et votre boisson. Ce sont les livrables de la prestation.

Hein ? Mes livrables ?

Oui ! Rappelez-vous, les livrables sont prêts à être utilisés.
Dans ce cas précis “à être consommés”.

Votre designer graphique, ce pâtissier !

Maintenant, faisons le parallèle entre l’artisan pâtissier et le designer graphique pour bien comprendre cette histoire de livrables. Les bols et les ustensiles de cuisine du pâtissier sont les logiciels du designer graphique. Ses ingrédients pour votre projet sont les couleurs, les typographies, les textes, les formes, les images… Alors, la recette du pâtissier est l’équivalent du fichier source du designer graphique.

En effet, tout comme l’artisan pâtissier et sa recette, le fichier source du designer graphique est le résultat d’un processus créatif qui allie personnalité, méthode et savoir-faire. Un amateur ne saurait combiner correctement tous ces éléments pour arriver (à chaque fois) au résultat escompté. Pour le pâtissier : du pain, des tartelettes, des cookies, et pour le designer graphique : des identités graphiques, des logotypes, des supports imprimés, des sites, des illustrations…

Vous n’avez rien oublié ? Vérifiez vos poches ?
Votre porte-monnaie est là, le téléphone aussi…

Vous ne voyez vraiment pas ce que vous avez pu oublier chez le pâtissier ?
Je vous laisse réfléchir encore un petit peu…

Vraiment, vous ne voyez pas ce que vous avez pu oublier ?
Normal, vous n’avez rien oublié !

Sur le comptoir, seul le cookie vous a été livré, et vous n’avez ni réclamé sa recette. Et vous trouvez ça tout à fait normal n’est-ce pas ? Après tout, c’est le cookie que vous avez acheté le cookie, et non le cookie et sa recette !

Cette recette est le fruit du travail de recherches et d’expérimentations pour obtenir à coup sûr ce délicieux cookie. Alors pourquoi cela devrait-il être autrement pour d’autres types de créations ?

Oui, les fichiers sources ne sont pas inclus !

L’histoire des cookies du pâtissier montre que l’achat d’un produit fini n’inclut pas ses secrets de fabrication. Aussi, ce n’est pas parce que le client oriente la création par ses avis ou ses demandes de modifications (“lait” végétal) que les fichiers sources lui appartiendront et qu’ils lui seront remis une fois la prestation finie.

Les fichiers sources ont de la valeur

Tout comme la recette des cookies du pâtissier, les fichiers sources du designer graphique ont de la valeur au même titre que les produits finis. Les fichiers sources ont même beaucoup plus de valeur. Pour résumer, livrer les fichiers sources d’un projet, revient à livrer en même temps tout le nécessaire pour modifier la création ou encore l’adapter pour d’autres modes d’exploitation que ceux initialement prévu dans le cadre de la prestation.

De la même manière que le pâtissier, qui, en donnant ses recettes, mettrait en péril son commerce en donnant la possibilité à tout un chacun de reproduire ses délicieuses pâtisseries. Le graphiste, en donnant ses fichiers sources, permettrait au client de modifier la création à sa guise sans avoir besoin de faire appel à lui. Ce qui représente un véritable manque à gagner pour le designer graphique en freelance. C’est pourquoi les fichiers sources ne sont pas fournis gracieusement avec les livrables. Car les fichiers sources ont, comme les produits finis, une véritable valeur marchande.

Par conséquent, fournir les livrables nuit à la pérennité de l’activité du graphiste freelance, mais aussi de manière générale, à la profession.

C’est pourquoi je demande très rapidement au client quels sont les fichiers livrables attendus. De cette manière, je suis transparent avec le client et je m’assure que nous sommes sur la même longueur d’onde.

Que dit la loi au sujet des fichiers sources ?

D’après le Code de la propriété intellectuelle en ses articles L.111-1 et suivants ainsi que l’interprétation qui a pu en être faite par les juridictions françaises :

La propriété intellectuelle dont jouit l’auteur d’une œuvre de l’esprit, du seul fait de sa création, est indépendante de la propriété de l’objet matériel. Les juges français suivant ces dispositions ont parlé de distinction entre l’œuvre et le support. Ainsi, toujours en matière de graphisme, la vente par le graphiste de son travail pour le compte de son client qui l’a commandé, n’entraîne pas de plein droit le transfert des outils que le premier aurait pu mobiliser pour sa création.

Par conséquent, le client qui souhaiterait disposer des outils représentant la structure interne du produit fini dont il est déjà propriétaire, devra s’acquitter du paiement d’un certain prix.

La charte, fichier-source.org

Les fichiers sources m’ont été fournis, je peux les modifier à ma guise ?

Avoir en sa possession les fichiers sources ne signifie pas pour autant avoir les droits de les utiliser, ni même de les modifier librement. En livrant les fichiers sources à mon client, je lui cède les droits de s’en servir et ses droits ont un coût. Les conditions d’utilisations des fichiers sources sont définies dans le contrat de cession de droits d’auteur qui donne un cadre légal et limité de l’exploitation qui pourra être faite de ces fichiers.

Quel est le prix des fichiers sources ?

Pour ma part le prix des fichiers sources varie entre 1,5 à 3 fois le prix de la prestation finie hors prix de la cession de droits dudit fichier, bien évidemment. Ce coefficient représente le manque à gagner que constitue la vente des fichiers sources pour le créatif.

Pour conclure sur les fichiers sources

Vous l’aurez compris, les fichiers sources renferment les secrets de fabrications et permettent de créer une infinité de variations pour des usages et des exploitations tout aussi variées. Cette flexibilité leur confère une très grande valeur. La vente des fichiers est onéreuse car cela représente un manque à gagner pour le graphiste. Comme pour les livrables, la vente des fichiers sources est encadrée par un contrat de cession de droits d’auteur et des conditions générales de vente. Grâce à ces derniers, vous avez légalement le droit d’utiliser ces fichiers, qu’ils s’agissent des livrables ou des fichiers sources.

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