Comprendre le contrat de cession de droits d’auteur

Publié : 10 avril 20 — Actualisé : 11 novembre 24
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Source : Clay Banks (unsplash)

Les droits d’auteur paraissent souvent obscurs… D’abord pour les auteurs (Designers graphique, UI designer, UX designer, motion designer, …) qui ne savent pas forcément comment les utiliser et les intégrer à leur tarification, ou encore comment les aborder avec les clients.

Mais aussi pour les clients qui découvrent parfois l’existence des droits d’auteur et ne comprennent pas pourquoi il leur est demandé de payer un complément pour utiliser le livrable d’un service qu’ils ont payé. Effectivement, ça peut paraître étrange, laissez-moi vous expliquer.

Vous êtes déjà familiarisé(e) avec les droits d’auteur moraux et patrimoniaux ? Passez cette partie et (re)prenez la lecture à partir de la cession de droits d’auteur.

Mise au point sur les droits d’auteur

Comme de nombreux designers graphiques indépendants/graphistes freelance, je suis Artiste-Auteur. Par conséquent, ce que je produis (logo, dépliant, site vitrine, …) relève des droits d’auteur. Ces droits d’auteur se découpent en deux catégories, avec d’un côté les droits moraux et de l’autre les droits patrimoniaux.

Droits moraux

D’après le Code de la Propriété Intellectuelle (CPI)

Les droits moraux sont attachés à leur auteur de manière inconditionnelle. Aucun document ne saurait valider la cession des droits moraux (que ce soit un contrat d’embauche, ou un contrat de cession de droits d’auteur, ou autre). L’auteur reste et restera la personne qui jouit de la propriété intellectuelle sur son œuvre. L’auteur est le seul à pouvoir se revendiquer comme tel, il est aussi le seul à pouvoir décider, autoriser et interdire tout ce qui concerne l’œuvre qu’il a produite.

Les droits moraux sont :

  • perpétuels : ils résistent à l’épreuve du temps, ils sont intemporels.
  • inaliénables : L’auteur ne peut, en aucun cas, renoncer à l’exercice de ce droit.
  • imprescriptibles : peu importe si l’auteur en fait l’usage ou non
  • insaisissables : Ils ne peuvent être utilisés pour recouvrer une dette

Pour toutes ces raisons, les droits moraux ne peuvent être cédés.

Compositions des droits moraux

Le droit de divulgation

Article L. 121-2 du CPI L’auteur est le seul à pouvoir choisir de communiquer ou non son œuvre au public. Il est également le seul à pouvoir choisir la manière de le faire.

Le droit de paternité

Article L. 121-2 du CPI L’auteur peut faire figurer sur son œuvre et sur les documents qui en assurent la publicité son nom (ou pseudonyme) et sa qualité.

Le droit au respect de l’œuvre

Article L. 121-1 du CPI L’auteur peut s’opposer à toutes modifications non autorisées qui porteraient atteinte à l’intégrité et à l’esprit de son œuvre.

Le droit de retrait et de repentir

Article L. 121-4 du CPI L’auteur peut revenir sur son engagement et mettre fin à tout moment à un contrat de cession sur son œuvre.

Résumé sur les droits moraux

Les droits moraux protègent l’artiste, son œuvre et le cessionnaire.

L’auteur est le seul à pouvoir :

  • Communiquer son œuvre au public ou la garder secrètement pour lui ;
  • Se revendiquer comme auteur ;
  • Signer son œuvre ;
  • Empêcher que son œuvre ne soit exploitée ou modifiée sans son accord ;
  • Mettre fin à un contrat d’exploitation avec un cessionnaire.

Le savais-tu ?

Cette dernière partie fait un peu peur n’est-ce pas ? Soyez rassurés, les droits moraux protègent aussi le cessionnaire. En effet, si l’auteur met fin au contrat d’exploitation, il sera dans l’obligation d’indemniser le cessionnaire du préjudice que ce repentir ou que ce retrait peut lui causer. Ce qui a de grandes chances de le stopper dans son élan. L’auteur devra au préalable en informer le cessionnaire. Et si, malgré tout, l’auteur rompt le contrat, vous obtiendriez un dédommagement qui vous permettra de financer une nouvelle création.

Droits Patrimoniaux

D’après le Code de la Propriété Intellectuelle (CPI)

Contrairement aux droits moraux, les droits patrimoniaux (ou droits d’exploitation) peuvent être cédés. Grâce à eux l’auteur peut tirer profit de son œuvre et toucher ce qu’on appelle communément des droits d’auteur. Ces droits d’auteur ne sont pas réservés aux écrivains, aux paroliers, aux musiciens, aux photographes, mais à tout auteur d’œuvres de l’esprit, y compris les arts plastiques et les arts graphiques. Les droits patrimoniaux peuvent être cédés à une personne, un cessionnaire, qui est légalement en droit d’exploiter l’œuvre selon les modalités et les conditions prévues par le contrat de cession de droits d’auteur.

Compositions des droits patrimoniaux

Le droit de représentation

Article L. 122-2 du CPI L’œuvre peut être diffusé publiquement de manière directe lors d’un spectacle vivant, d’une projection publique d’un film ou la diffusion publique d’un disque.

Le droit de reproduction

Article L. 122-3 du CPI L’œuvre peut être reproduite pour communiquer au public de manière indirecte : imprimerie, photographie, … Cependant, cette reproduction nécessite l’autorisation préalable de l’auteur pour chaque mode d’exploitation de l’œuvre, que la copie soit pérenne ou éphémère.

Le droit d’adaptation

Article L. 122-6 du CPI L’auteur autorise ou non le droit de modifier l’œuvre en vue de l’adapter. Par exemple, adapter une affiche en flyer, un livre en film…

Le droit de reproduction

Article L. 122-3 du CPI L’œuvre peut être reproduite pour communiquer au public de manière indirecte : imprimerie, photographie, … Cependant, cette reproduction nécessite l’autorisation préalable de l’auteur pour chaque mode d’exploitation de l’œuvre, que la copie soit pérenne ou éphémère.

Les droits patrimoniaux : une protection limitée dans le temps

Les droits d’auteur protègent l’auteur et ses œuvres tout au long de la vie de l’auteur. Mais que se passe-t-il lorsque celui-ci décède ? Conformément à l’article L123-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, la durée de protection est de 70 ans et elle débute le 1er janvier de l’année suivant le décès de l’auteur. Pendant cette durée l’œuvre est protégée post mortem et appartient aux ayants droit de l’auteur. Ces héritiers peuvent protéger les droits moraux et patrimoniaux liés à l’œuvre comme s’ils en étaient l’auteur. Après cette période, l’œuvre tombe dans le domaine public et peut être utilisé librement. Le droit moral de respect du nom et de qualité de l’auteur reste perpétuel et inaltérable.

Les droits patrimoniaux : une protection pour l’auteur et son œuvre

En effet, l’auteur perçoit, comme tout indépendant des rémunérations qui fluctuent d’un mois à l’autre. Grâce à la cession des droits patrimoniaux, l’auteur peut percevoir des rémunérations plus régulières et donc assurer la pérennité de son activité. De plus, cette cession de droit d’auteur permet de cadrer l’usage qui pourra être fait de l’œuvre et éviter toutes utilisations frauduleuses de l’œuvre sans l’accord écrit de l’auteur. De cette manière l’auteur est rétribué financièrement à la juste valeur qu’apporte sa réalisation pour le cessionnaire.

Les risques d’une utilisation non conforme au CCDA

Pour être plus explicite, l’article L. 335-4 du Code de la propriété intellectuelle stipule que tout acte, qu’il s’agisse de la reproduction, la diffusion ou le partage, à titre gratuit ou moyennant d’une contribution financière, des contenus audiovisuels, est qualifié de délit de contrefaçon. La duplication et la distribution des œuvres, sans l’autorisation des ayants droit, violent aussi les droits d’auteur.

La cession de droits d’auteur, c’est quoi ?

La cession de droits d’auteur consiste à céder contre rémunération des droits patrimoniaux à un tiers. Cette cession fait l’objet d’un contrat officiel, le “contrat de cession des droits d’auteur”, qui lie l’artiste, l’œuvre et le cessionnaire. Un contrat de cession de droits d’auteur en bonne et due forme pose un cadre légal précis sur l’utilisation qui pourra être faite de l’œuvre en accord avec les besoins du client. Il est souvent en annexe de la facture.

Utilisation des livrables

Bien évidemment, vous pouvez utiliser les livrables de la prestation conformément au cadre légal défini par le contrat de cession de droits d’auteur en termes de durée et de territoire de diffusion, de supports de diffusion et de droits cédés. Toutes utilisations faites hors du cadre légal sans le consentement de l’auteur constituent un délit de contrefaçon passible de fortes amendes.

La cession de droits d’auteur, ça marche comment ?

J’ai mené ma petite enquête à ce sujet dans différents groupes de designers graphiques indépendants. Certains artistes-auteurs ne s’en occupent pas, d’autres rédigent un contrat de cession, une facture encore des notes d’auteurs. Pour ma part, la cession de droits d’auteur fait l’objet de deux documents distincts.

  • La facture de cession : Elle précise le montant de cette cession de droits d’auteur
  • Le contrat de cession : il définit les conditions et les modalités d’exploitation précise : durée, territoire, support, nombre d’exemplaires.

Comme la plupart des designers graphiques, j’inclus à la facture de création (de logotype, de dépliant, de site vitrine, …) le montant de la cession de droits d’auteur correspondant à une ou plusieurs modalités d’exploitation précise : durée, territoire, support, nombre d’exemplaires. D’autres préféreront faire une facture complémentaire, mais ceci oblige le client à faire deux paiements : un premier pour la création, un deuxième pour la cession. J’ai choisi de simplifier l’administration et d’avoir 1 seule facture qui englobe le coût de la création et de la cession.

Ce que dit la loi

Une œuvre non encadrée par un contrat de cession de droit d’auteur ne peut être utilisée que par son auteur. Si un designer graphique réalise la création d’un logotype (ou d’un flyer, d’une brochure, site vitrine…) et qu’aucun contrat de cession de droit d’auteur n’a été rédigé, alors le client n’a aucun droit d’utiliser ce qui lui aura été transmis. Le client peut certes avoir ces fichiers, mais il lui est interdit d’en faire la moindre exploitation et donc il lui est interdit de les diffuser de quelque manière que ce soit.

Quelles informations doit-on retrouver dans un contrat de cession de droits d’auteur en bonne et due forme ?

Comme tout autre contrat, le contrat de cession de droits d’auteur doit être lu attentivement. Avant de le signer assurez-vous d’avoir compris et d’être d’accord avec l’ensemble des modalités d’exploitation de l’œuvre.

Ce contrat définit

  • Les parties prenantes du contrat : L’auteur et le cessionnaire
  • La nature des droits cédés : Le droit de diffusion, de représentation, de reproduction, d’adaptation
  • Le type de production : Logotype, charte graphique, site vitrine, dépliant, flyer…
  • Le nom de l’œuvre : Sur quelle œuvre porte la cession de droits.
  • Le type de supports : Sur quel(s) support(s) l’œuvre sera fixée/utilisée. Dans le cas de supports imprimés en combien d’exemplaires.
  • Le périmètre de diffusion : Sur quel périmètre géographique l’œuvre sera diffusée
  • La durée : Pendant combien de temps l’œuvre pourra être diffusée

Attention, la cession doit être limitée !

Les mentions « tous droits cédés », « toutes utilisations », « cession illimitée dans le temps » ne valent rien juridiquement parlant et rendent le contrat caduc. Aussi, tous droits non mentionnés dans le contrat de cession de droits d’auteur ne font tout simplement pas partis des droits cédés au cessionnaire.

Comment la cession de droits d’auteur est-elle calculée ?

L’auteur est légalement en droit d’appliquer le tarif et la méthode de calcul qui lui convient pour la cession de droits d’auteur. Cependant, l’auteur ne doit pas descendre en dessous d’un plafond minimal défini par un barème, ce qui rendrait la cession de droits caduque aux yeux de la loi. Ce barème a été publié au Journal Officiel de la République Française le 2 Mai 1987 (pages 4874 à 4876) et il est toujours en vigueur (encore aujourd’hui en 2022). Ce barème et cette méthode de calcul s’appliquent aux œuvres graphiques, plastiques et photographiques. Évidemment, à cette époque on était bien loin d’imaginer qu’il puisse exister les modes d’exploitation que nous connaissons aujourd’hui, notamment dans le domaine du design graphique : les présentations Powerpoint, la vidéo, le web, le motion design…

D’autres méthodes de calcul

  • Intégrer le montant de la cession de droits à son tarif journalier
  • Appliquer un pourcentage au prix de la prestation global ou par critère
  • Suivre le barème du journal officiel en utilisant des coefficients.

Pour ma part, j’ai choisi d’utiliser différents pourcentages en fonction de l’étendue du territoire, de la durée, et des supports utilisés pour la diffusion de l’œuvre. Cette méthode est la plus simple et la plus juste, tant pour l’artiste-auteur que pour le client.

La cession de droits arrive à expiration, que faire ?

Deux choix s’offrent à vous

Une fois la durée du contrat de cession expirée vous n’avez plus le droit d’exploiter l’œuvre et ce d’aucune manière que ce soit. Si vous souhaitez continuer à exploiter l’œuvre, vous devrez obligatoirement en informer le designer graphique freelance qui a fait la réalisation.

Renouveler les droits d’exploitation

Vous avez investi dans une prestation “création de logotype” dont la cession de droit d’auteur s’étend sur 5 ans pour une utilisation sur vos cartes de visite et sur votre site. Vous souhaitez continuer à utiliser ce logotype pour les 5 années à venir, il faudra en informer le designer graphique pour qu’il rédige une nouvelle cession de droits et vous demandera de payer un complément pour cette nouvelle exploitation du logotype.

Étendre les droits d’exploitation

Il est possible d’étendre les droits d’exploitation pour la durée, le territoire, les supports et le nombre d’exemplaire. Prenons pour exemple une prestation de création de logotype avec une cession de 10 ans pour l’utiliser sur vos cartes de visite et sur votre site. Si au bout de 3 ans, vous souhaitez également l’apposer sur des tee-shirts, il faudra en informer le designer graphique pour qu’il rédige une nouvelle cession de droits. Il vous demandera de payer un complément pour cette nouvelle exploitation du logotype. Sans ça vous n’aurez pas le droit de l’utiliser sur des tee-shirts.

Est-ce possible de modifier les modalités d’exploitation d’un contrat en cours ?

Oui c’est possible, mais vous pourrez seulement étendre vos droits. Les droits de cessions non utilisés sont tout bonnement perdus s’ils n’ont pas été utilisés. Si vous souhaitez avoir plus de droits que ceux actuellement cédés dans le contrat de cession, vous devrez obligatoirement en informer l’auteur. Ce dernier rédigera un nouveau contrat de cession de droits d’auteur qui remplacera le précédent.

Soyez malin, ne gaspillez pas votre argent inutilement

Cadrer le contrat de cession de droits d’auteur

Bien cadrer la cession permet d’optimiser les coûts en fonction des besoins réels et de la portée de l’œuvre. C’est pourquoi le coût d’une prestation de création de logotype, n’est pas la même pour un indépendant et une multinationale. Heureusement pour les indépendants !

Le risque d’un contrat de cession mal goupillé

Autre exemple. Vous avez pour un événement à Lille en juillet prochain, vous engagez un designer graphique en freelance pour la création de flyer pour promouvoir l’évènement dans la région. Il est alors inutile d’opter pour une cession de droits sur 5 ans à l’international. Réduire l’étendue de l’exploitation qui sera faite de l’œuvre permettra de réduire les coûts de la cession de droits d’auteur, et donc de faire des économies.

Faisons les calculs :

  • Création du flyer (Recto/verso) = 320 € Net
  • Cession de Droits d’Auteur concernant la diffusion et sa reproduction jusqu’à 1 000 exemplaires pour :
    -> 5 ans, diffusé à l’international = 272 €, soit un total de 592 €
    -> 3 mois, diffusée dans la région = 48 €, soit un total de 368 €

En définissant correctement la cession de droits d’auteur vous n’auriez pas dépensé inutilement 224 € (592€ – 368€ = 224€) car l’étendue de la cession de droits d’auteur était trop grande par rapport à votre besoin réel.

  • Bonjour, cela m’a beaucoup éclairci alors merci beaucoup ! J’avais juste une petite question quand vous parlez dans l’exemple de 1000 exemplaires c’est par/an durant 5 ans ? Comment basez-vous vos pourcentages si le nombre d’exemplaires est beaucoup plus important ?

    • A

      Bonjour Sara,

      Je suis ravie d’avoir pu vous aider. Petite précision, il s’agit de 1000 et non pas 5000 exemplaires pour 5 ans (ce n’est pas par défaut par an). Pour ce qui est de la méthode de calcul, je me base sur le Journal Officiel. Vous pouvez le trouver facilement sur internet.

  • Comment ça se passe quand on fait la refonte d’un logo qui à été fait par un autre graphiste. Faut t’il demander au client un accord écrit de l’auteur ?

    • A

      Merci pour cette question pertinente. Pour toute refonte, il est préférable de demander l’accord du designer graphique avant d’entamer tout travail et ce pour 3 raisons :
      – par respect pour lui et votre collaboration (passée) ;
      – par respect pour son travail graphique et ses droits de propriété intellectuelle ;
      – pour éviter tout litige potentiel lié à la propriété intellectuelle du logotype. Un contrat de cession de droit d’auteur est peut-être encore en cours de validité.
      .
      Une refonte graphique est une nouvelle proposition s’appuyant sur l’existant pour proposer une création nouvelle. Ce besoin incarne un pivot stratégique : un changement de nom ou de cible, revaloriser son image de marque, renforcer son professionnalisme, ou encore, corriger des défauts…
      .
      J’espère que ma réponse vous aide à y voir plus clair.

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